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Carine-Laure Desguin, ses romans, nouvelles et poésies
12 septembre 2023

EXSANGUE, C.-L. DESGUIN

pexels-karolina-grabowska-4021801 (1) photo Karolina Grabowska

 

Exsangue

 

   À présent qu’il est embarqué dans cette périlleuse et éreintante aventure, il se voit mal bifurquer ou faire volte-face, envoyer tout péter et s’inscrire pour entamer un autre cursus, tout cela à deux doigts de décrocher ce fameux diplôme, un passeport pour bosser et peut-être entasser des tunes. Peut-être car ça, c’était avant. Avant quoi, il ne cherche même plus. Annoncer un autre choix à ses vioques qui s’étaient saignés aux quatre veines pour lui payer ces longues études, ça lui fendrait le cœur. Ce père épuisé par les heures sup, ce père qu’il respecte tellement et qu’il ne fait plus que croiser de temps en temps. Ces derniers mois ont tué son idéal, toutes ses heures de garde enfilées les unes après les autres, des pauses prises plic ploc ou pas du tout, un demi-sandwich avalé en visionnant une échographie, ou en écoutant au téléphone les doléances d’une hiérarchie écrasante. Il jette un œil sur la pile de documents qu’il doit signer et qu’il a envie d’envoyer aux calendres grecques. Et bordel, c’est dimanche quand même. À l’infirmière qui lui rappelle qu’une vingtaine de patients attendent la consultation dans une salle dont on ne peut repousser les murs, il lâche avec ironie que s’ils ne piétinent pas dans leur sang, ils peuvent encore rester là quelques heures. Il apprend que le gynécologue de garde a jeté l’éponge et que son remplaçant arrivera en retard, le gars crèche à deux cent bornes de là. Les ordinateurs rament et le service help desk reste injoignable, faudra faire avec ça jusqu’à demain, espère-t-il. L’équipe de gériatrie est mécontente, elle avertit que plus un seul lit n’est disponible, les patients seront dirigés vers la médecine mais là aussi, ça commence à déconner. L’infirmière revient, le lit cinq vient de clampser, la famille demande des explications au plus vite, le dossier complet, et surtout les médicaments administrés ces dernières heures car le décès de leur mère, ça, les enfants ne comprennent vraiment pas. L’infirmière insiste et souligne que l’un des enfants est administrateur dans la boîte et ça, ça pue, c’est pas ça qu’il faut pour le moment, ce décès incompréhensible tombe mal, très très  mal. 

   Ce soir, c’est l’anniv de Laura. Rapido le futur toubib lui envoie un texto, Désolé ma douce, annule le resto et réserve pour demain. Je te promets.

C.-L. Desguin

Ce texte avait participé au concours ALOYS: 

 

 

Notes de lecture de mon dernier recueil DIGUE DE CUESME, QUATRE-VINGT-DEUX :

http://carineldesguin.canalblog.com/pages/digue-de-cuesme--quatre-vingt-deux--poesies--grenier-jane-tony--chant-de-jane-n-34--2022/39861907.html

 

 

Lien vers tous mes livres :

http://carineldesguin.canalblog.com/pages/mes-livres/39852592.html

 

 

Lien vers mes poèmes de la Nouvelle Revue des Elytres (Grenier Jane Tony)

http://www.grenierjanetony.be/?s=Carine-Laure+Desguin 

 

 

Commentaires
C
C'est en permanence de la maltraitance.
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É
Bonsoir Carine-Laure. Pas facile de travailler dans le domaine de la santé de nos jours, et danger pour les malades
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A
La médecine, ça ne fait plus du tout rêver...C'est comme l'enseignement. <br /> <br /> "Tout fout l'camp". <br /> <br /> Bises quand même
Répondre
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